Wozniak: le film jOBS est un mensonge sur ma vie
Le cofondateur d'Apple se plaint qu'on ait attribué à Steve Jobs tous les mérites dans l'histoire de la firme, et fait passer tous les autres pour des idiots.
Après avoir eu en main le script du film, l'opinion de Steve Wozniak...
C'est vraiment atroce. Je ne veux rien avoir à faire avec ce film.
La réaction de John Sculley qui a dirigé Apple de 1983 à 1993 et qui est celui qui avait fait virer Jobs de l'entreprise (à juste titre à l'époque), n'est pas plus enthousiaste:
Pour ceux de nous qui le connaissaient bien (Jobs), on se gratte la tête en se demandant à quoi ils pensaient quand ils ont écrit ce film.
Regarder un film quand on connaît bien comment les choses se sont passées en réalité et voir que tout ce qu'il montre est faux sur la genèse d'une entreprise devenue l'une des premières au monde, rend le spectacle très pénible. Heureusement, un autre film va être réalisé sur le même sujet par Sony qui représente mieux les faits (le biopic est écrit par Aaron Sorkin et a été terminé en janvier 2013).
L'ironie dans le film jOBS, est que l'histoire s'arrête en 2001 après l'apparition de l'iPod, et il se trouve que l'iPod a été le premier produit vraiment populaire depuis l'Apple ][, et le seul qui soit dû uniquement au génie de Jobs. Il a été suivi par d'autres, comme l'iPhone, mais ce n'est pas dans l'histoire. Le visionnaire que Jobs est devenu a été fait le personnage du film depuis le début alors qu'il était bien différent dans la période retracée.
Steve Wozniak a développé ses griefs sur un groupe de discussion dans un billet très développé, reproduit ci-dessous.
Dans le film, Jobs explique à Wozniak tout ce que l'on peut obtenir d'un système d'exploitation. Ce dernier s'insurge:
C'était exactement la situation inverse. Jobs enchaînait les échecs. Il était visionnaire mais n'arrivait pas à mettre ses idées en pratique.
Nous n'avons jamais eu une telle interaction ni ces rôles ... Je ne suis même pas sûr de savoir où on veut en venir... Les personnalités sont vraiment erronées même si la mienne est plus proche ... n'oubliez pas que mon but a été inspiré par les valeurs de l'Homebrew Computer Club ainsi que les idées sur la valeur de ces machines et Steve Jobs n'était pas là et n'était pas présent au club aussi c'était lui quand il est arrivé de l'Oregon qui a dû apprendre sur l'impact social à l'avenir.
A cette époque, Jobs pensait surtout à gagner de l'argent en achetant des composants dans les surplus et les revendant dans des produits finis. Cependant le film lui fait dire:
C'est la révolution industrielle. Plus de DECs (Ordinateurs de l'époque). Plus de mainframes. Cela va tout changer.
Et le Wozniak du film (peu ressemblant, et en costume alors que le vrai était toujours en jeans) répond avec exaspération:
Même si vous arrivez à les développer, et je doute que vous y arriviez, personne ne voudra acheter un ordinateur. Personne.
Jobs a certes plus tard popularisé l'interface graphique, mais selon Wozniak, c'est Jef Raskin qui lui a conseillé de visiter les laboratoires de Palo Alto qui avaient inventé cet interface. Raskin avait une vision différente de celle de Jobs et a quitté Apple en 1982 (le Mac est sorti en 1984). Raskin a créé un ordinateur selon sa vision, le Cat, mais son partenariat avec Canon a été un échec. Il est mal représenté dans le film.
Le film montre Jobs comme un fan de Dylan et Wozniak un fan des Beatles. Voici ce qu'en pense Wozniak:
Quand j'ai rencontré Jobs pour la première fois, j'avais tous les albums de Bod Dylan et des recueils de paroles et de photos. C'est moi qui ait amené Jobs dans le monde de Dylan en lui achetant des billets pour un concert (Jobs se dira plus tard un fan du chanteur). Je n'avais aucun album des Beatles.
Le film porte sur une période durant laquelle chaque ordinateur créé par Jobs a été un échec (c'est particulièrement vrai pour le Lisa, qui porte le nom de sa fille). Tout les services de la firme ont oeuvré pour faire du MacIntosh un succès, mais c'est l'Apple ][ qui rapportait de l'argent.
Le film ne montre pas son dédain et ses tentatives de tuer l'Apple ][, notre source de revenus, de façon qu'il ne fasse plus concurrence au MacIntosh.
Wozniak termine en disant:
Jobs avait la capacité de motiver les autres pour faire avancer les choses. Mais il est aussi important d'avoir l'ingéniosité de créer ces produits populaires. A part OS X, Jobs n'a obtenu aucun succès jusqu'à l'iPod.
A la décharge de Jobs, le MacIntosh serait devenu très populaire si Microsoft n'avait eu la bonne idée de reprendre son interface graphique et de créer Windows, ce qui a marginalisé les ordinateurs d'Apple. Quand la même chose s'est produite avec Android, cela a rendu Jobs furieux.
Le scénariste à choisi de présenter Jobs jeune d'emblée comme un génie et qui avait déjà toutes les qualités du Jobs de l'iPhone, et pour augmenter le contraste de présenter les autres comme des suiveurs admiratifs. C'est comme si on présentait un Pasteur jeune qui savait tout de la vaccination, ou un Einstein de vingt ans convaincu de la théorie de la relativité générale. C'est un pauvre choix de la part du scénariste.
L'intrigue n'aurait pas été moins intéressante en montrant l'évolution du personnage dans le temps. Et cela aurait été authentique.
Voir aussi Steve Jobs, un patron en Jeans et polo.