Le tueur de l’Oise, c’est une histoire vraie et récente qui va au-delà de ce que pourrait inventer un auteur de roman policier imaginatif et sans frein.
Quand je verrai des policiers ou des gendarmes regarder quelqu’un avec suspicion, je penserai toujours à l’affaire Alain Lamare.
Les gendarmes cherchaient fébrilement à identifier le « Tueur de l’Oise », un serial-killer qui tirait au revolver sur des femmes et piégeait des voitures pour qu’elle explosent dès qu’on ouvre une portière.
Ils avaient ses empreintes digitales, une idée de son emploi du temps et suffisamment de données pour définir un profil (voir encart). Et ils disposaient d’un portrait-robot.
Or le tueur restait introuvable. En fait, il n’était pas loin. Ils le côtoyaient tous les jours! C’était un de leurs collègues, le plus estimé et le plus investi dans l’enquête! Il qualifiait d’ailleurs l’homme recherché de « salaud de tueur ».
Note: Le surnom de « Tueur de l’Oise » avait déjà été utilisé auparavant à propos d’un autre serial-killer, Marcel Barbeault.
Comme dans un film policier, le tueur envoie des lettres aux enquêteurs dans lesquelles il décrit les crimes qu’il va commettre, enregistre même sur un calepin les noms de ses prochaines victimes.
Pour ajouter à l’intensité dramatique, un conflit s’ouvre entre ceux qui sont certains en lisant ces lettres, qu’elles sont écrites par un policier ou un gendarme, et d’autres qui refusent absolument d’envisager une telle hypothèse.
S’ils l’avaient fait et si les vérifications les plus basiques avaient été accomplies, le tueur aurait été identifié et arrêté dès le début de l’affaire. Malheureusement, les partisans de « l’impensable » avaient les commandes et ont suivi leur point de vue, interdisant tout contrôle sur des policiers ou gendarmes.
Le gendarme Alain Lamare avise ses collègues quand ils passent devant une 504 abandonnée que c’est un véhicule volé. La propriétaire, la femme d’un gendarme, avait laissé les clés sur le contact. Les vitres sont brisées, une cordelette et des mégots sont retrouvés ainsi que des douilles et une seringue hypodermique. Plus un mouchoir tâché de sang.
Non loin du véhicule se trouve un plan destiné à préparer un hold-up dans la ville voisine (Pierrefond).
Pont-Sainte-Maixence.
Un homme dans une voiture volée , une R12 grenat, tire trois coups de feu sur Karine, une jeune fille de 17 ans, à la sortie d’un cinéma. Elle est légèrement blessée.
Une analyse balistique fait savoir que le pistolet utilisé est un Beretta 9 mm, une arme rare.
Creil.
Dix jours plus tard, un gendarme ouvre la portière d’une voiture mal garée (la même R12 grenat) et elle explose. Il est blessé aux mains et au visage.
La voiture avait les clés sur le contact lorsqu’elle a été volée plus d’un mois auparavant. Un chéquier se trouvait à l’intérieur. Le voleur l’avait utilisé et on obtient auprès des commerçant une première description.
Un homme soigné qui faisait penser à un militaire, le témoin le trouve plutôt beau mis à part ses oreilles décollées.
Première lettre anonyme
Les policiers reçoivent une lettre écrite dans un écriture régulière et ronde penchée sur la gauche. La carte grise de la R12 est jointe.
« Karine me connaît mais elle ne pourra jamais faire le rapprochement.
Une fille de 17 ans, qui déambule la nuit, est une cible que j’affectionne particulièrement. La prochaine fois je viserai le cœur… »
On retrouve sur la lettre les même empreintes digitales que sur la 504 de Pont-Sainte-Maxence. Un inspecteur trouve que le style ressemble à celui qui est habituellement employé dans un rapport de police.
Dès cet instant, disposant des empreintes du criminel et d’un nombre de suspects potentiel limité, l’enquête pouvait être pliée. Ce serait sans compter le facteur humain: il n’est pas envisageable que ces crimes aient pu être commis par un gendarme décrète le commandant de l’escadron de gendarmerie. Il refuse qu’aucun contrôle ne soit effectué sur les gendarmes.
Une jeune femme qui circulait à vélo est renversée volontairement par un automobiliste. Il conduisait une peugeot 504 volée.
Ce véhicule est retrouvé deux jours plus tard par Lamare et un collègue. Elle explose quand ce dernier ouvre la portière. Il est légèrement blessé.
Puis un braquage est commis à la poste de Sénarpont dans la Somme. Une GS bleue permet au voleur de s’enfuir. On retrouvera les mêmes empreintes que sur la lettre et la première voiture volée.
Un gendarme présente un panel de 28 photos de délinquants sexuels à la postière et à la cycliste. Toutes deux reconnaissent le même homme, sur la photo 6, en plus jeune.
Yolande, 19 ans, est retrouvée, grièvement blessée par balles, non loin de l’hippodrome de Chantilly. Elle décèdera quelques heures plus tard à l’hôpital.
Mais auparavant elle a le temps de dire qu’elle avait été prise en stop à Pont-Sainte-Maxence.
C’est le même Beretta qui a été utilisé.
Lamare et ses collègues retrouvent le 3 décembre la GS dans laquelle elle est montée en faisant de l’auto-stop. Le véhicule est piégé mais cette fois on fait le nécessaire pour le déminer.
Une jeune fille est prise en auto-stop dans une 504 verte à Compiègne. Le conducteur est aimable mais il lui dit soudain: « Je vais te faire mal. » Et il tire trois fois sur elle.
Blessée, elle parvient à sauter du véhicule, comme la précédente victime. Elle restera paralysée.
On dresse des barrages. Après des heures, une 504 verte surgit et force un barrage. On la poursuit. Mais le passage d’un train s’interpose entre la voiture et les poursuivant.
On continue cependant à chercher dans la région. On retrouve la voiture embourbée et une battue s’organise.
Cependant la pluie complique les choses et le criminel parvient à s’échapper.
Il envoie une lettre vengeresse aux gendarmes.
« Méfiez-vous de l’animal traqué et blessé, il peut devenir très dangereux. Je n’ai rien à perdre et je vais le prouver. (…) Je suis habitué au sang et à l’horreur et je vais vous en faire profiter. »
Le scénario devient plus incroyable encore. La voiture d’un ancien ministre est volée. Elle tombe en panne sur l’autoroute. Des CRS arrivent. Il se présente comme le fils du ministre. Ils le raccompagnent jusqu’à un garage!
Cependant, il en sortira quand même quelque chose. Cette fois, un portrait robot plus précis est réalisé selon les témoignages de ces CRS.
Portrait robot du tueur
Diffusion du portrait robot. Il est dans tous les commissariats. Un gendarme Claude Morel, lui trouve une ressemblance avec son collègue Alain Lamare. Mais il est le seul, aussi décide-t-il de mener seul une enquête un enquête discrète.
Il compare les lettres anonymes avec les procès-verbaux établis pas Lamare et constate que l’écriture est la même. Il sait aussi que Lamare est un collectionneur d’armes à feu.
Il en parle enfin à son supérieur hiérarchique, le capitaine Pineau. Des vérifications sont faites (enfin!) sur l’emploi du temps du gendarme et on voit qu’il est absent chaque fois que le tueur se manifesta.
On se rappelle aussi que c’est toujours Lamare qui retrouvait les voitures volées!
Mais Lamare a été alerté. Il est en patrouille et ses collègues se demandent pourquoi il s’est muni d’un pistolet mitrailleur.
On décide de ruser pour l’arrêter sans créer un drame.
On réunit toutes les patrouilles autour d’un camp de gitan que l’on veut soi-disant évacuer. A Lamare on dit qu’il n’a pas besoin de son arme. Dès qu’il la dépose, il est ceinturé et on l’empêche de sortir un revolver de sa poche.
Durant la garde à vue, il nie farouchement les faits. Mais au matin son domicile est perquisitionné en sa présence et on y trouve des cartes détaillées de la région avec des indications au crayon en rapport avec la série de crimes.
Alors il change de visage et crache: « Vous avez bien fait de me menotter, sinon je vous aurais tous abattus! »
Une foule énorme est réunie devant l’appartement et c’est dans la plus grand confusion qu’il est évacué. Cela provoque la mort d’un jeune motocycliste.
Les collègues découvre un calepin dans lequel ils lisent leurs noms sur une liste de personnes que le tueur de promet d’abattre. Ils sont effondrés.
Ils n’en reviennent pas que le coupable soit un des leurs, qu’ils considéraient d’ailleurs comme un de leurs meilleurs éléments.
Un gradé lui demande de démissionner ce qu’il accepte, mais l’acte sera ensuite annulé du fait de son état mental déclaré.
Lamare lors de son arrestation
Des expertises psychiatriques ont des résultats contradictoires. La troisième qui conclut à une absence de maladie mentale est invalidée. La quatrième conclut à un état paranoïaque et schizophrénique. On lui donne même un nom savant, l’héboïdophrénie.
Etonnant que cet état dissociatif ne survienne que lorsque le tueur se trouvait en permission. Comme s’il avait le pouvoir d’entrer en mode « malade » lorsque les circonstances le permettent et de se placer en mode « normal », devant ses collègues.
En outre, après quatre expertises successives, on a le temps de trouver les bonnes réponses, celles que donnerait un malade mental…
Lamare est à ce jour toujours interné en asile psychiatrique et il conserve le statut de gendarme.
On doit donc conclure ainsi: