Sur le violeur des quartiers sud de Marseille, des livres ont été écrits. Des livres à la Zola, dans le style j’accuse (pas le violeur, mais la justice).
Mais ce qui est absolument unique dans cette affaire, c’est que lorsqu’il décide de récidiver, il a sur la banquette arrière de sa voiture une pile de ces livres à la Zola, écrits pour prouver son innocence!
Finalement, l’émission de télévision Faites entrer l’accusé a consacré un volet à cette affaire en balayant la suite des évènements d’un éclairage permettant de se faire une opinion plus juste. Elle oppose l’innocence outragée aux preuves matérielles, et il en ressort une connaissance nouvelle de la nature humaine.
Entre 1979 et 1981 neuf jeunes femmes sont violées par un homme dont l’âge se situe entre 20 et 25 ans, dans les 8ième et 9ieme arrondissements de Marseille.
L’homme les menace avec un revolver ou un couteau et les oblige à le suivre.
Il porte des basckets blanches et un blouson sombre. Il conduit une 2 chevaux.
Les journaux lui donnent un surnom: « Le violeur des quartiers sud ».
Le 12 avril, un homme au comportement suspect et correspondant au signalement est interpellé. Il prétend attendre un ami.
Il s’appelle Luc Tangorre, à 22 ans, est étudiant en sport, possède une 2 chevaux. Sur lui on trouve un couteau.
La dernière des victime le reconnaît formellement parmi d’autres personnes puis se sera le tour des autres qui reconnaîtront toutes leur violeur dans les mêmes conditions.
Celui-ci nie farouchement. Il affirmera par la suite qu’étant le seul parmi les personnes présentées aux victimes à avoir la taille du suspect et à porter des baskets blanches, il leur était ainsi désigné
Mais lors de la perquisition, on trouve chez lui un pistolet factice couvert de boue séchée et un blouson noir.
La boue est comparée avec celle qui se trouvait sur les lieux du dernier viol et les experts concluent à une même origine. Dans les deux cas, elle contient du barium.
Sur son blouson on trouve des taches de vaseline, or le violeur avait utilisée de la vaseline lors d’une des agressions au moins.
Comme on l’a dit, il possède une 2 chevaux.
Il est inculpé mais sa famille et ses amis n’en reviennent pas et le décrivent comme
quelqu’un de gentil et attentionné.
Quand au dernier crime, il prétend qu’il était à l’hôpital lors du dernier crime, et certains membres du personnel se souviennent de l’avoir vu sortir à une certaine heure. (Les curieux pourront se rendre dans tout hôpital de Marseille et vérifier s’il est possible de contrôler les entrées et les sorties.)
Pour les autres crimes, il prétend se trouver chez des amis, les mêmes qui sont convaincus qu’il ne peut être un criminel. Ces alibis n’ont pas été vérifiés.
Après le procès, le frère cuisinier de Luc Tangorre déclarera que celui-ci accrochait son blouson dans sa cuisine et qu’il pouvait s’essuyer les mains, enduites de vaseline, sur ce blouson. (Une pratique assez curieuse quand même).
Deux experts privés rémunérés par la famille concluent que la terre retrouvée sur le pistolet n’est pas la même que sur le lieu du crime.
Il est emprisonné à la prison des Baumettes de marseille.
Coupable a tout prix
Jurant qu’il est innocent, et criant avec désespoir à l’injustice, l’accusé fait une grève de la faim en 1983
Un comité de soutien est fondé par Giséle Tichané et Pierre Vidal-Naquet, pour défendre quelqu’un que l’on juge accusé à tort, il se compose des personnalités suivantes:
Le procès s’ouvre à la Cour d’Assises d’Aix en Provence en 1983. Luc Tangorre impressionne les juré par son apparente sincérité.
Le 24 mai 1983 il est condamné à 15 ans de réclusion criminelle pour 9 agressions sexuelles et viols
Sa mère crie à « l’horreur judiciaire ». Ses amis, convaincus par ses dénégations, sont persuadés aussi qu’il s’agit d’une erreur judiciaire.
Il est incarcéré à la prison des Baumettes que les marseillais connaissent bien (ce qui ne signifie pas qu’il y ont séjourné).
Un pourvoi en cassation en 1987, malgré les témoignages d’amis et de la famille, est rejeté.
Cependant, les nouveaux témoignages, et l’activisme du comité de soutien ont un résultat, le président François Mitterand, ami notamment de Françoise Sagan, le gracie et il est libéré le 15 février 1988 après avoir passé 5 ans en prison. Fin du premier épisode.
Luc Tangorre s’installe à Lyon ou il ouvre un bar-tabac. Mais 8 mois après sa libération, il est de nouveau arrêté pour viol
Deux étudiantes, Carole et Jennifer font de l’auto-stop à Marseille pour rentrer à Paris, après avoir assisté à la Féria de Nîmes un lundi de pentecôte en mai 1988. L’une des deux est fille d’un membre important du parti démocrate.
Elles sont prises par une 4l verte, par un conducteur très gentil. Mais au lieu d’aller sur Avignon qui les rapproche de Paris, celui-ci retourne vers Nimes, à leur grand émoi.
Il s’arrête dans une ancienne pommeraie à 3 km de Nîmes et brandit un couteau, menaçant de tuer l’autre si une des filles s’enfuit.
Il s’enduit d’huile de moteur et viole successivement les deux étudiantes. Puis il les abandonne sur l’autoroute.
Une des filles à le temps de voir une pile de livres avec le mot « coupable » avant que le violeur le la recouvre vivement d’une couverture. Après des recherches dans les librairies, cela met les enquêteurs sur la piste de Tangorre. Ils trouvent en effet un livre dont le titre est « Coupable à tout prix » et qui présente une photo ressemblant au portrait de l’agresseur!
Elle décrivent le criminel avec précision. Un moustachu, brun, qui portait un polo jaune Lacoste, un jean, des basckets blanches.
Des tests gynécologique démontrent le fait de viol.
Elles affirment avoir été violées vers 21h20. Cela entre dans la fenêtre de temps ou l’accusé aurait pu être sur les lieux.
Elle décrivent une 4L verte et plusieurs caractéristiques uniques (le loquet de la porte arrière manque, jauge d’essence bloquée). Luc Tangorre possédait une 2 chevaux à Marseille, mais actuellement il possède une 4L verte similaire, possédant ces caractéristiques uniques.
Les victimes sont embarquées à Marseille. Le jour du crime, il se trouvait chez ses parents à Marseille pour une fête familiale.
Pour prouver son innocence, les parents amènent aux policiers des photos du baptême: Malheureusement pour eux et à la stupéfaction des policiers, sur les photos, on voit qu’il porte le jean, le polo jaune Lacoste et les baskets blanches du violeur!
On découvrira ensuite plus tard qu’il avait habité à Nîmes (dans l’immeuble les Jonquilles à 2,5 km du lieu du crime), et que le lieu du crime est un endroit où il venait jouer étant enfant…
Les victimes font le voyage des USA pour l’identifier. En les voyant au commissariat, l’accusé qui n’était pas censé les connaître selon sa version devient furieux et les apostrophe violemment. Il est formellement reconnu par les filles en pleurs.
Il présente un alibi: il aurait dormi chez ses parents le soir du crime (toujours ces alibis donnés par la famille et proches).
Le siège arrière est mal fixé et donc on ne peut s’asseoir dessus. (Cet état aurait pu en fait arriver plus tard.)
Il est incarcéré à la prison de Nîmes. Il fera une tentative d’évasion (pour prouver son innocence dit son avocat qui a réponse à tout).
Il continue de nier farouchement. Mais le témoignage des victimes apeurées et en pleurs qui le reconnaîtront formellement lors du procès vont convaincre les jurés.
Aussi le doute s’installe dans l’esprit des membres du comité de soutien. Face à la quantité de charges celui-ci recourt à la théorie du complot. C'est quelque chose qui revient dans chaque affaire criminelle et ce sera aussi le cas dans l’affaire Marshall.
L’accusé se défend donc en disant que tout le monde pouvait voir sa 4L et ainsi l’accuser lui en sachant à quoi ressemblait sa voiture.
Cela impliquerait donc que les deux victimes, ces américaines, feraient partie du complot!
Si l’on insiste dans cette théorie, il fallait aussi savoir qu’il transportait ces livres ce jour là, et quels vêtements il portait. Donc une surveillance continuelle avec des moyens importants. Dans un but assez obscur!
Luc Tangorre comparaît 3 février 1992 devant la cour d’assise du Gard. Il est assisté par 6 avocats dont Paul Lombard et Jean-Louis Pelletier.
Il est condamné 18 ans pour le viol des deux étudiantes américains.
Il s’écrie:
« Ah non, pas deux fois. »
Les parents sont dans un état absolument terrifiant. On doit porter sa mère qui fait une crise de nerf et crie de nouveau à l’horreur judiciaire. Le père hurle plus fort encore.
Pierre Vidal-Naquet, le créateur du comité de soutient présente ses excuses. Il se sent responsable de ce second crime. Les autres membres se terrent dans le silence.
« Je me battis sur tous les terrains, allait voir Robert Badinter puis François Mitterrand. Une grâce partielle lui fut accordée en 1988 et il sortit de prison. Hélas, on apprit que, le 29 mai 1988, un jeune homme qui lui ressemblait comme un frère avait violé deux étudiantes américaines. »
Si l’on écarte la théorie fantaisiste du complot, reste la psychologie du sujet. Quelqu’un qui face aux preuves les plus formelles et après deux condamnations, hurle encore son innocence avec la plus grande conviction.
On resterait dubitatif si l’on ne connaissait pas l’existence du déni de grossesse. Si une femme peut occulter entièrement le fait qu’elle porte un enfant, un criminel ne peut-il pas aussi ignorer qu’il soit l'auteur d’un crime? La mémoire de celui-ci est dans une part de son cerveau, extérieurement invisible, plus facile à nier qu’un bébé qui vous gonfle le ventre.
Référence
Mise à jour le 13 août 2014
Il avait été condamné en 1983, avait protesté de son innocence, été gracié par François Mitterand, condamné encore en 1992 et libéré en 2000. Le 12 août 2014 il est mis en examen à Nîmes pour agression sexuelle sur trois jeunes filles mineures. Evidemment il proteste de son innocence. Peut-être va-t-il de nouveau s’exclamer:
« Ah non, pas trois fois! »
En septembre 2019 il est condamné à trois ans et six mois de prison pour ces derniers crimes, qu'il nie farouchement, selon son habitude. Les trois victimes ne se connaissaient pas, habitent dans des régions différentes et l'ont incriminé en reconaissant sa photo dans les média. Sa présence sur les lieux des agressions a été vérifiée dans les trois cas.